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Babouins de Guinée © MNHN - F.-G. Grandin

Coronavirus : quels risques pour les autres animaux ?

Covid-19

[Actualité mise à jour le 7 avril 2020]

Les coronavirus sont-ils courants chez les animaux ?

Les coronavirus sont très courants chez les animaux, particulièrement chez les mammifères et les oiseaux. Mais ils ne sont pas tous associés à des maladies !

Il existe beaucoup de « portage asymptomatique » : les animaux sont alors susceptibles de transmettre une maladie à leurs congénères sans en présenter les symptômes cliniques.

Ainsi, passé l’âge d’un an, plus de 80 % des animaux domestiques (bovins, chiens, cochons, etc.) sont séropositifs pour au moins un coronavirus, sans être malades pour autant.

Vaches © Annie Spratt

Coronavirus : de quoi parle-t-on ?

La vaste famille des coronavirus est constituée de quatre groupes :

  • Les Alphacoronavirus : il s’agit souvent de virus touchant les chauves-souris, mais ce groupe inclut aussi trois virus affectant l’Homme (principalement responsables des rhumes) ;
  • Les Betacoronavirus : c’est parmi eux qu’on trouve le SARS-CoV-2, l’agent viral pathogène responsable du COVID-19, mais aussi des virus affectant spécifiquement certaines espèces comme le hérisson ou les rongeurs ;
  • Les Gammacoronavirus : au sein de ce groupe, on trouve des virus présents uniquement chez certains cétacés (beluga, dauphin…), mais surtout des virus d'oiseaux ;
  • Les Deltacoronavirus : il s’agit de virus infectant certaines espèces d’oiseaux et d’autres touchant les suidés (porc...).

Une des caractéristiques de cette famille de virus est le type de cellules qu’ils infectent : très souvent des cellules épithéliales*, et surtout celles des muqueuses digestives ou respiratoires.

De ce fait, les formes de maladies que l’on trouve le plus souvent sont des pathologies intestinales et/ou des syndromes respiratoires.

*L'épithélium correspond au tissu cellulaire recouvrant la surface externe d’un organe (peau, muqueuses).

Les coronavirus sont-ils souvent transmissibles à l’Homme ?

Seule une petite proportion des coronavirus connus peuvent se transmettre de l’animal à l’Homme (ou vice-versa).

Les autres sont au contraire très spécifiques et ne touchent qu’une seule espèce.

Actuellement, le SARS-CoV-2 (responsable du COVID-19) est le 7ème coronavirus connu à infecter l’Homme, mais seulement le troisième pour lequel le passage de l'animal à l'Homme a été objectivé, après le MERS-CoV (dont l’espèce réservoir principale est le dromadaire) et le SARS-CoV (dont le réservoir semble être les chauves-souris Rhinolophes ou « au nez en fer à cheval »).

Le SARS-CoV-2 a surtout acquis la propriété de passer d’Homme à Homme et a probablement perdu beaucoup de ses capacités à retourner chez l’animal.

Le génome du SARS-CoV-2 présente une identité de 96,3 % avec un autre Betacoronavirus trouvé chez une espèce de chauve-souris asiatique du genre Rhinolophus. Il en est donc bien plus proche que celui trouvé chez les pangolins.

*Zoonotique : relatif à la zoonose, maladie qui se transmet de l’animal à l’Homme ou vice-versa. 

Roussette de Rodrigues, Parc zoologique de Paris © MNHN - F.-G. Grandin

Pourquoi le COVID-19 a-t-il contaminé les humains ?

Tout d’abord, il faut savoir que les coronavirus n’ont pas un taux de mutation très élevé par rapport à d’autres familles de virus (notamment les virus de la grippe, qui mutent bien plus souvent). Mais leur génome est plus long, ce qui augmente les chances d’erreur de recopie lors de leur multiplication.

Ils ont par contre une caractéristique plus développée que d’autres virus : ils peuvent échanger des parties de leur code génétique avec des coronavirus proches, et ainsi acquérir certaines de leurs propriétés. C’est ce qu’on appelle « la recombinaison ».

Le franchissement de la barrière des espèces peut alors s’expliquer par des contacts rapprochés, fréquents et chroniques, ou par des ingestions répétées, qui augmentent la probabilité de voir ces recombinaisons réussir (ce qui a probablement eu lieu chez le pangolin).

Cela peut se produire, par exemple, dans les marchés d’animaux sauvages qui :

  • Concentrent des espèces sauvages différentes sur un espace réduit (cages contiguës), notamment des espèces qui ne sont pas proches dans la nature (exemple : chauves-souris en hauteur et pangolins au sol) ;
  • Ne respectent pas de bonnes mesures d’hygiène ;
  • Encouragent la consommation humaine de ces animaux, et donc un contact inédit et répété entre les cellules intestinales humaines et le virus.

Le facteur temporel est très important : les études génétiques s’accordent sur le fait que l’émergence du SARS ou du MERS sont le fruit de plusieurs décennies de situations de proximité continues, permettant à plusieurs événements de mutation et de recombinaison d’arriver les uns après les autres.

Y a-t-il un risque d’apparition de ce genre de nouveau virus au sein d’un parc zoologique ?

La promiscuité qu’on trouve dans les marchés d’animaux sauvages n’est absolument pas comparable à la situation dans les zoos, où les animaux disposent de grands espaces et où les mesures d’hygiène sont très élevées.

De plus, les animaux des parcs zoologiques n’ont que très peu de contacts avec l’Homme, et ne rentrent pas dans la chaîne de consommation alimentaire.

Aucune des espèces animales les plus associées à ce nouveau profil zoonotique* (pangolin malais, chauves-souris insectivores du Sud-Est asiatique...) n’est conservée dans les zoos européens, ce qui diminue d’autant le risque d’une circulation hypothétique du virus.

Enfin, les animaux de parcs zoologiques sont sous étroite et permanente surveillance vétérinaire.

*Zoonotique : relatif à la zoonose, maladie qui se transmet de l’animal à l’Homme ou vice-versa. 

Examen oculaire d'un flamant rose, Ménagerie du Jardin des Plantes © MNHN - F.-G. Grandin
Soins sur un propithèque couronné, Parc zoologique de Paris © MNHN - F.-G. Grandin
Check-up du jaguar, Parc zoologique de Paris © MNHN - F.-G. Grandin

Le SARS-CoV-2 pourrait-il infecter d’autres espèces animales que l’Homme ?

Pour le moment, les principales informations sur ce sujet viennent essentiellement de simulations informatiques, d’essais in vitro (où l’on infecte des cellules de différents animaux pour voir si le virus y pénètre et s’y multiplie) et de retours d’expérience de zones fortement contaminées (et des animaux domestiques qui s’y trouvent).

1. Les données « in vitro » et les prédictions informatiques ne donnent que des informations partielles, et ne présagent pas, par exemple, des réactions du système immunitaire de ces animaux, ou encore de leur aptitude à en être « malades ».

2. Les données provenant d’infections expérimentales sont importantes pour notre connaissance du virus et de son mode de diffusion, mais elles s’éloignent beaucoup des conditions naturelles de transmission du virus entre son hôte principal (l’Homme) et les animaux potentiellement sensibles.

3. Les données provenant des retours de terrain en zones de pandémie à haute circulation virale (Chine - Wuhan , Italie et États Unis - New York).

D’après les points 1 et 2, il semble que les espèces de primates proches de l’Homme (les grands singes comme les gorilles ou les chimpanzés, mais aussi les singes de l’ancien monde comme les macaques et les babouins) puissent être infectées par le SARS-CoV-2 en raison des similitudes cellulaires et immunitaires qu’ils partagent avec nous. Au sein de ce taxon des « primates non humains », plus on s’éloigne de l’Homme, plus les probabilités d’infections pourraient diminuer : c’est ce qui a déjà été observé avec le SARS-CoV-1, auquel de nombreux primates du Nouveau Monde (ouistitis, saïmiris) n’étaient pas sensibles.

D’après les points 2 et 3, on note une sensibilité de deux familles de carnivores pour le virus : les félidés (principalement le chat domestique) et les mustélidés (principalement le furet) qui sont capables à la fois d’être infectés et de présenter quelques signes cliniques. Chez le furet, une contagion entre les animaux a pu être observée expérimentalement.

Furet © Steve Tsang

cas décrits

Pour le moment, seuls quatre cas ont été précisément décrits : deux chiens (à Hong Kong) et deux chats (un en Belgique, un à Hong Kong). Le point commun de ces quatre cas est que ces carnivores domestiques ont eu un contact durable et étroit avec leurs propriétaires malades. Pour l’un des chiens, un suivi a permis de constater que les seconds prélèvements étaient devenus négatifs.

L’analyse des cas permet assez facilement de suggérer un passage du virus de l'Homme vers l’animal, ce dernier vivant dans un environnement fortement contaminé par son maître (sol, meubles, gamelle...), qui de plus le caresse et est très proche de lui.

  • Pour les deux chiens, il n’est pas encore prouvé que le virus, détecté dans le nez et la gueule, ne soit pas présent par simple portage « passif », transmis lorsque l’animal lèche ou renifle. Aucun des chiens n’a montré de signes cliniques. Sur l’un d’entre eux, une sérologie est annoncée comme positive (production d’anticorps par le chien) par les autorités sanitaires d’Hong-Kong, mais il n’y a pas de confirmation étayée par une publication scientifique.
  • Pour l'un des chats, l’animal a présenté des signes cliniques modérés de manière passagère, ce qui peut vouloir dire qu’il a été infecté. Pour autant, il n’a pas été mis en évidence de reproduction active du virus chez l’individu, ce qui n’en fait donc pas une source de contamination à la lueur des informations recueillies.

Par ailleurs, il est important de noter qu’au-delà de ces trois cas particuliers, plusieurs études ont été menées sur plusieurs milliers de chiens et chats en zones contaminées et ont montré une majorité de résultats négatifs en sérologie (absence d’anticorps) ou en excrétion virale (pas de présence de virus dans l’arbre respiratoire ou les selles des animaux), avec des chiffres variant de 85 à 100 % d’animaux négatifs.

le tigre malais du zoo du bronx

Le 5 avril dernier, l’USDA (Département de l'Agriculture des États-Unis) a confirmé un résultat positif sur le prélèvement respiratoire d’un tigre malais du Zoo du Bronx à New York. Ce tigre ainsi que deux autres tigres et trois autres lions ont présenté des signes de toux et de baisse d’appétit, compatibles avec une infection au SARS-CoV-2. La transmission aux animaux a probablement eu lieu via un soigneur excréteur « pré-symptomatique », ayant travaillé à leur contact quelques jours avant d’être lui-même malade. Les animaux sont suivis médicalement et leur état clinique s’améliore. Il est à noter que les autres félins du zoo, y compris un autre tigre malais vivant avec le tigre positif (le seul à avoir été testé pour le moment), ne présentent aucuns signes cliniques.

Dans les zoos du Muséum

Dans les zoos du Muséum national d'Histoire naturelle, des mesures sont prises pour assurer les même gestes barrières entre les carnivores et le personnel que ceux utilisés pour protéger l’Homme de la contamination : la distanciation de 1,5 - 2 mètres est ainsi appliquée entre les soigneurs eux-mêmes, mais aussi entre les soigneurs et les animaux connus comme sensibles. Des mesures d’hygiène et de désinfection sont mises en place pour éviter toute contamination depuis l’Homme envers nos animaux.

La sensibilité d’une espèce animale à ce virus n’en ferait pour autant pas forcément un « réservoir » ou un risque pour l’Homme, pour qui le danger est bien sa propre espèce humaine. Pour le moment, ces animaux infectés en marge de la pandémie humaine excrètent peu et pendant peu de temps, et il n’y a à ce jour aucun preuve de leur rôle dans l’épidémiologie de cette pandémie, dont le moteur majeur reste le contact inter-humain.

Pour en savoir plus sur l’origine et les conséquences du Coronavirus, nous vous invitons à lire les autres articles Covid-19 des scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle.